POESIE et MYTHE 2010 - 5ème 1 et latinistes de 5ème et de 3ème

Qui est Janus ?


Synthèse des recherches réalisées par les latinistes de 5ème 1 : prochainement en ligne


Et Chronos ?

Le mythe est un récit fabuleux porté à l'origine par une tradition orale. Souvent d'origine populaire, il met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine (fable, légende, mythologie). Il contient généralement une morale.

"Une mythe est une histoire, une fable symbolique, simple et frappante", Denis de Rougemont

=> Représentation de faits ou de personnages réels déformés ou amplifiés par l'imaginaire collectif, la tradition. Il implique souvent des personnages merveilleux (des dieux, des héros*, des animaux fabuleux, des anges ou des démons).

* héros : au sens étymologique de "demi-dieu"

Le mythe se veut explicatif et fondateur d'une pratique sociale. Il propose sous forme métaphorique une lecture du monde et de la société qui les transmet (cosmogonie et genèse : création du monde, phénomènes naturels, rapports de l'homme avec le divin et la société, genèse d'une société humaine et ses relations avec les autres sociétés).

[bas latin mythus ; grec muthos : récit, fable]

Distinction : mythe, fable, conte et roman ...

Définition de l'apologue...

Bibliographie : Mythologie, Edith Hamilton


(à suivre)


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MYTHOLOGIES GRECQUES et LATINES

De la Mythologie à l'Histoire

POESIE et MYTHE : de L'Iliade aux Aventures de Télémaque
EPOPEE et ROMAN : de L'Iliade aux romans de chevalerie
LEGENDE et HISTOIRE :
des tragiques grecs (Eschyle, Sophocle, Euripide) :
aux ré-écritures modernes
des origines troyennes de Rome à la Royauté, à la République et à l'Empire
ROME : Corneille, les pièces romaines
Horace : une tragédie romaine (le combat des Horaces et des Curiaces)
"Rome, unique objet de mon ressentiment..." (les stances de Camille)
Cinna : la clémence d'Auguste (1640-1642)

Exposés 2010 : en ligne prochainement

Le voyage : de Homère à Virgile, L'Iliade à L'Eneide *
La chute de Troie : ses causes et ses conséquences, de L'Iliade à L'Enéide

LE RECIT : Les textes fondateurs du mythe et de l'épopée




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Héros ou personnages, pour quelles valeurs ?


De l'épopée aux romans de chevalerie


L'Eneide* de Virgile (Ier siècle) : poème épique de Virgile en 12 chants qui fait le récit des pérégrinations d'Enée contraint de s'exiler après la chute de Troie, et de son établissement en Italie où il fonde la nation romaine. S'écartant de la narration purement historique et mythologique, le poète a traité un sujet légendaire mais national (lié aux origines de Rome) pour donner à Rome une épopée qui tînt la même place que les poèmes homériques en Grèce.




"Petit poucet rêveur"...



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Mnémosyne : la Mémoire


Dali, La persistance de la mémoire (1931)


"L'Horloge", Baudelaire

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit : "Souviens-toi !
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible ;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse ;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote : Souviens-toi ! -- Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !

Remember ! Souviens-toi, prodigue ! Esto memor !
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi !
Le gouffre a toujours soif ; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encore vierge,
Où le Repentir même (oh ! la dernière auberge !)
Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard !"

Baudelaire, Les Fleurs du mal (1957) - LXXXV (poème de clôture du recueil)



Poésie et déchiffrement du monde : le mythe d'Orphée



Orphée

Fils de Calliope et d'Apollon, poète et musicien, symbole de l'union entre la poésie et le chant, il aurait inventé la cithare et/ou ajouté deux cordes à la lyre à sept cordes reçue d'Apollon, atteignant ainsi le nombre des Muses.


Son chant charmait les dieux et les mortels. Il apprivoisait les fauves et parvenait même à émouvoir les êtres inanimés. Il participe à l'expédition des Argonautes et son chant réussit à l'emporter sur le chant mortifère des sirènes. C'est aussi par ses mélodies qu'il apaise Cerbère et charme les divinités infernales quand il descend aux Enfers pour obtenir le retour à la vie de son épouse Eurydice.


Le Mythe d'Orphée


Sources littéraires de l'histoire tragique d'Orphée et d'Eurydice :

Grecque : Homère et Hésiode

Romaine : Virgile, Les Géorgiques, Ovide, Les Métamorphoses


La légende de cet aède mythique de Thrace ("aoidos" , chanteur : poète épique et récitant, dans la Grèce primitive), fils du roi Oeagre (p-ê d'Apollon) et de la muse Calliope (la plus éminente des Muses, protectrice de la poésie épique et parfois de l'éloquence [Kalliopê "Femme à la belle voix" ]) est l'une des plus obscures de la mythologie grecque. Elle est liée à la religion des mystères ainsi qu'à une littérature sacrée allant jusqu'aux origines du christianisme.



Eurydice : une des dryades (nymphe des bois), épouse d'Orphée.

Eurudikè : en grec, « la justice (ou la vengeance) sans bornes ».

Choisie par Orphée, fils de ma muse Calliope, pour devenir sa femme, elle fut mordue par un serpent le soir de ses noces. Orphée, qui était un musicien de génie, décida d'aller la chercher aux Enfers, armé de sa lyre. Charmées par ses mélodies, les divinités infernales acceptèrent de lui rendre son épouse, à condition qu'il ne se retourne pas une seule fois sur le chemin de son retour. Mais Orphée oublia sa promesse et perdit Eurydice à jamais.


Étymologie : Eurudikè, qui signifie, en grec, " la justice (ou la vengeance) sans bornes ", était une nymphe des bois (dryade) choisie par Orphée, fils de la muse Calliope, pour devenir sa femme.

L'histoire tragique d'Orphée et d'Eurydice : le soir de leurs noces, Eurydice fut mordue au mollet par un serpent. Elle mourut et descendit au royaume des Enfers. Orphée descendit alors aux Enfers et put, après avoir endormi de sa musique enchanteresse Cerbère le monstrueuyx chien à trois têtes qui en gardait l'entrée, et les terribles Euménides, approcher le dieu Hadès. Il parvint, grâce à sa musique, à le faire fléchir, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à la condition qu'elle le suivrait et qu'il ne se retournerait ni ne lui parlerait tant qu'ils ne seraient pas revenus dans le monde des vivants. Mais au moment de sortir des Enfers, Orphée, inquiet de son silence, ne put s'empêcher de se retourner vers Eurydice et celle-ci lui fut retirée définitivement, disparue dans les ténèbres.



Affligé par la perte définitive de celle-ci, Orphée reste inconsolable et solitaire.

Selon la version la plus répandue sur sa mort, il est mis en pièces par les Ménades, soit pour avoir dédaigné l'amour des femmes de Thrace, soit pour avoir exclu les femmes des mystères.

Selon une autre version, Orphée est foudroyé par Zeus pour avoir révélé ses expériences du royaume des morts à ses mystes.






Les Muses :


Dans la mythologie grecque, les Muses sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne.


"Amant alternae Camenae", Virgile

("Les Muses aiment les chants alternés")


Mnémosyne ou la Mémoire

Une des Titanides.

Elle s'unit à Zeus pendant neuf nuits de suite et de cette relation naquirent les neuf Muses.

* Hésiode, Théogonie

Neuf divinités, patronnes des chants et des sciences : Calliope, Clio, Erato, Euterpe, Melpomène, Polymnie, Terpsichore, Thalie, Uranie.

Leur généalogie, leur nombre et leurs attributions précises ont beaucoup changé selon les époques.


Calliope : la plus éminente des Muses, protectrice de la poésie épique et parfois de l'éloquence [Kalliopê "Femme à la belle voix" ]. Selon la légende, elle est mère de Linos et d'Orphée.

Clio : patronne de l'Histoire (elle est représentée avec un rouleau de papyrus à la main )

Erato : elle préside à la poésie érotique et aux noces

Euterpe : elle présidait aux fêtes. On lui attribuait la flûte et l'invention du dithyrambe.

Melpomène : dont le nom dérive du verbe "melpô" = chanter. Primitivement, elle présidait au chant et à l'harmonie, puis elle fut associée à Dionysos et devint patronne de la tragédie. Unie à Achéloos, elle donne naissance aux Sirènes.

Polymnie (Polhymnie) : ses attributions varient selon les auteurs. Elle préside à l'hymne, à la pantomime ou à la poésie lyrique, mais on lui attribue aussi l'invention de l'harmonie, de l'orchestique et parfois de la géométrie.

Terpsichore : considérée parfois comme la mère des sirènes qu'elle a d'Achéloos (cf. Melponème). On lui attribuait la danse et , dans la tradition tardive, les chœurs dramatiques et la poésie lyrique.

Thalie : elle préside à la comédie et à la poésie légère et elle est représentée sous le masque grimaçant de la comédie.

Uranie (Ourania, « la Céleste », de Ouranos, « le ciel ») : assistée par les Ouranies (les nymphes célestes), elle présidait à l'astronomie et à l'astrologie (deux disciplines indissociables chez les Grecs). Mère de Linos conçu avec Apollon (ou Amphimaros), elle est représentée vêtue d'une robe de couleur azur, couronnée d'étoiles, et soutenant des deux mains un globe qu'elle semble mesurer, ou bien ayant près d'elle un globe posé sur un trépied, et plusieurs instruments de mathématiques.

Selon Catulle, Bachus la rendit mère d'Hymen.


Marc Chagall, Plafond de l'Opéra de Paris





Le symbolisme

"Victor Hugo a su exprimer par la poésie le mystère de la vie", Baudelaire




Baudelaire et le Symbolisme : Fonction du poète et de la poésie (p. 374) L-D Loquet

Poésie et déchiffrement du monde – Autoportrait du poète : vertige de l’artiste entre Narcisse et Prométhée

Correspondances, Baudelaire


La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.


Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

-- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,


Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,

Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.


Baudelaire, Les Fleurs du mal, (1957)

« Correspondances », Baudelaire , Les Fleurs du mal, « Spleen et Idéal », 1857 (Hatier 1ère, p. 212, Nathan 2de, p. 41)

« Le Confiteor de l’Artiste », Baudelaire, Petits poèmes en prose (Le Spleen de Paris), 1862 (Hatier, p. 194)


Lecture intégrale : « Spleen et Idéal », Les Fleurs du mal, 1857-1862-1868 (Hatier, p. 365)


Le sonnet « Correspondances », au début des Fleurs du mal, est le type même du texte qui ouvre un « courant » , qu’on appellera plus tard le symbolisme*, sans pour autant donner naissance à un groupe puisque l’ « école » du même nom ne verra le jour que dans les années 1880. L’importance de ce poème tient au programme poétique nouveau qu’il énonce dès 1857 : le travail du poète est d’exprimer, grâce à ses images et à ses symboles, les « correspondances » sensorielles ou spirituelles qui peuvent redonner un sens à notre monde moderne si « confus ». [* Symbolisme : Nathan 2de, p. 43]

Cf. lettre de Baudelaire à Arsène Houssaye : influence d’Aloysius Bertrand (Hatier 1ère p. 196)

Le rôle du poète chez Victor Hugo, et encore chez Baudelaire, est d’être réceptacle du divin, de recueillir, de saisir intuitivement les mystérieuses correspondances entre le temporel et l’éternel, le fini et l’infini, le « Ciel » et la « Terre », d’écouter ce que Dieu, à travers par exemple le « Beau » et la « Nature », dit à l’homme ici-bas dans une système de correspondances verticales : « La Nature est un temple où de vivants piliers / Laissent parfois sortir de confuses paroles ; ».

Toutefois, le symbolisme de Baudelaire remet en cause les notions de « Bien » et de « Beau » (cf. La Charogne »), ouvrant par là la voie à la modernité avec une poésie plus trouble, celle des « fleurs du mal » : le poète redéfinit « L’Idéal », son « idéal » où les aspirations élevées se mêlent à des considérations plus sensibles, plus subversives, un « idéal » plus complexe que celui qui invite à s’élever vers des principes supérieurs. Moins manichéen que celui de Victor Hugo, le symbolisme de Baudelaire est aussi une « poésie du mal » inspirée par le « spleen ». Le poète révolté, « maudit », est en proie à la double postulation, Dieu et Satan, le « spleen » et l’ « idéal ». L’ « idéal » baudelairien peut être celui qui correspond à une vision métaphysique avec les « vivants piliers » des « forêts de symboles » d’une « Nature » comparée à un « temple » (« est ») dans un système de correspondance verticale établi à partir de symboles qui permettent à Dieu de communiquer avec les hommes, le poète étant chargé d’interpréter les signes (« Tout est signe et tout signe est message », Proust) comme l’explique Victor Hugo dans « Fonction du poète ». Mais les « correspondances » de Baudelaire sont aussi horizontales (d’où le pluriel du titre de « Correspondances »), ainsi que le souligne la construction du sonnet avec le deuxième mouvement à partir de vers 8. L’aspiration vers l’« Idéal » imprégné de religion et d’idéaux élevés des poèmes plus désincarnés du début de la section « Spleen et Idéal » cède de plus en plus la place à une poésie du sensible, de la sensualité avec une « Nature » personnifiée (« le langage des fleurs et des choses muettes », « Elévation ») qui se fait moins réceptacle du sacré et interprète du divin qu’il y paraît dans un renversement fantastique annonciateur des Illuminations de Rimbaud (« Une fleur qui me dit son nom », « Aube ») : « L’homme y passe à travers des forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. » Le symbolisme de Baudelaire est donc spirituel (métaphysique) et sensible, sensuel, partagé entre l’éblouissement de certaines évocations et l’amertume du retour au réel. Les « synesthésies » baudelairiennes établissent des correspondances verticales et horizontales, entre les différents sens : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent » dans « une ténébreuse et profonde unité ».

La poésie tourmentée de Baudelaire est surtout celle d’un poète en souffrance et en révolte , partagé entre les images de « gouffres » et d’ « abîmes » et l’aspiration vers ce qui lui permet à l’âme de s’élever, Dieu et Satan. Même si c’est un dieu terrible, Chronos (dans la mythologie grecque, le dieu cruel du Temps dévore ses propres enfants), qui a le dernier mot dans le dernier poème de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs de mal avec le poème de « L’Horloge », la poésie de Baudelaire reste, comme celle de Victor Hugo incantation, chant sacré d’un « voyant » messager du divin, d’un démiurge déchiffreur du monde chargé d’établir un lien entre le Ciel et la Terre selon la tradition orphique : « Ecoutez le rêveur sacré », enjoint Victor Hugo.


« C’est cet admirable, cet immortel instinct du Beau qui nous fait considérer la Terre et ses spectacles comme un aperçu, comme une correspondance du Ciel. La soif insatiable de tout de qui est au-delà, et que révèle la vie, est la preuve la plus évidente de notre immortalité. C’est à la fin par la poésie et à travers la musique que l’âme entrevoit les splendeurs situées derrière le tombeau. » Baudelaire, Notes nouvelles sur Edgar Poe.


Le Symbolisme de Rimbaud (dans Une saison en enfer, « Alchimie du verbe », p. 213 ; les poèmes en prose des Illuminations, « Aube », p. 214) et de Stéphane Mallarmé (« Les mots s’allument de reflets réciproques », cf. p. 215) devient de plus en plus « sorcellerie évocatoire », le poète se fait « voleur de feu », « broyeur de poison » ; « alchimiste du verbe » selon les expression de Rimbaud, sans arrière-plan religieux. L’aspiration vers le haut, ce qui dépasse l’homme et le pousse à s’élever dans un élan d’enthousiasme poétique prométhéen (étincelle divine : l’enthousiasme n’est-il pas « avoir un dieu en soi » suivant son étymologie : « theos », dieu ?; « étincelle motrice et joyeuse », pour Proust), s’il ne se réfère plus explicitement comme chez Victor Hugo (qui était croyant) ou Baudelaire (marqué par son éducation chrétienne), à la religion et à un Dieu particulier, demeure tension vers le sacré, le « mystère » de la vie, dans une œuvre qui reste pour Mallarmé « musicienne du silence ». C’est peut-être pourquoi « les mots se lèvent avant leurs sens » pour René Char, chargés des mystères (divins ?) dont seul Orphée, le « rêveur sacré » a le secret…

(cf. Cocteau et l’importance du rêve et de l’inconscient pour les poètes surréalistes ; Jean-Baptiste Pontalis, Le Dormeur éveillé).

« J’ai seul la clé de cette parade sauvage », « Parade », Illuminations, Rimbaud (« Je suis maître du silence »).

Même si « on construit un poème comme une machine » déclare Edgar Poe, traduit par Baudelaire, la poésie garde son mystère (« Silence de l’œuvre qui parle, parole de l’homme qui écoute. » Roland Barthes), un mystère qu’il serait vain de réduire à une analyse des signes formels, fût-elle « méthodique » (cf. métrique et prosodie : la versification, p. 372). ..

Un poème ne se réduit pas comme une équation mathématique…


« L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible », Paul Klee


Thèmes associés : la liberté et l’exotisme, l’évasion, le voyage intérieur ou extérieur ? (cf. le symbolisme de « L’Invitation au voyage » ) ; Lautoportrait du poète : « L’Albatros ».


Baudelaire, Les Fleurs du Mal (1857 – 1861 – 1868) - L.D. Loquet -

Dans l'un de ses projets de préface pour les Fleurs du Mal, Baudelaire écrit : " Il m'a paru plaisant, et d'autant plus agréable que la tâche était plus difficile, d'extraire "la beauté" du Mal" *

cf. « une souffrance positive » ? « Le Confiteor de l'Artiste »


« C'est la contradiction qui donne la vie en littérature », Illusions perdues, Balzac


« Correspondances », Spleen et Idéal, IV, Les Fleurs du Mal, 1857 (sonnet) ; « L’Albatros » ; « Elévation », III ; « Les Phares », VI ; « La vie antérieure », XII ; « La Beauté », XVII ; « L’Idéal », XVIII ; « La Chevelure », XXIII ; « Harmonie du soir », XLVII ; « Le Flacon », XLVIII ; « L’Invitation au voyage », LIII ; « Moesta et errabunda », LXII ; « Spleen », LXXVIII ;

Poésie et voyage


LE LYRISME ROMANTIQUE de CHATEAUBRIAND: vous raconterez, à la manière de Chateaubriand, un de vos voyages (réels ou imaginaires)

Il serait trop long de raconter les beaux voyages que je faisais avec ma fleur d'amour : comment main en main nous visitions les ruines célèbres, Venise, Rome, Athènes, Jérusalem, Memphis, Carthage ; comment nous franchissions les mers ; comment nous demandions le bonheur aux palmiers d'Otahiti, aux bosquets embaumés d'Amboine et de Tiddor ; comment, au sommet de l'Himalaya nous allions réveiller l'aurore ; comment nous descendions les fleuves saints dont les vagues épandues entourent les pagodes aux boules d'or ; comment nous dormions aux rives du Gange, tandis que le bengali, perché sur le mât d'une nacelle de bambou, chantait sa barcarolle indienne.

Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, 3, 12, 1850 (posthumes)


Comment la composition de cette phrase traduit-elle la rêverie ?

Analysez le rythme de la phrase : en quoi contribue-t-elle au registre du texte ?


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Poésie et voyage : de L'Odyssée au Tour du monde en quatre-vingts jours

5ème 1 - Le récit de voyage – Regards vers des mondes nouveaux

Séquence 9 – Explorer l'art des récits de voyage.

LA DESCRIPTION – l'expansion du groupe nominal


Le voyage à l'intérieur d'un livre : « Magie de la lecture », Jules Vallès, extrait de Jacques Vingtras


Il est nuit. Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? Quelle heure est-il ? Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s’effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien.

J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain…

La faim me vient : j’ai très faim. Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ?

Expression écrite : description des sensations du lecteur et du passage d'un univers à un autre, de la rencontre entre les deux (avec, par exemple, la paronomase : "la cale de l'étude"), puis de l'identification progressive du narrateur à l'univers de son livre (par exemple, le futur indique que le narrateur est sur l'île de Robinson : "je me demande où je ferai pousser du pain").

Le registre fantastique :

"Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s'expliquer par les lois de ce même monde familier. […] Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu'on choisit l'une ou l'autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel." Tzetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique.

Bibliographie : le voyage ("odyssée")

Le Livre des merveilles, Marco Polo (extraits : corpus de textes pp. 196-205)

Vendredi ou la vie sauvage, Michel Tournier (lecture intégrale : l'incipit – la fiche de lecture)

Le Tour du monde en 80 jours, Jules Verne (lecture intégrale)


Marco Polo et Christophe Colomb :

Près de trois siècles s'écoulent entre le voyage de Marco Polo en Orient (XIIIème siècle) et ceux de Christophe Colomb (1492) et des conquérants des XVème et XVIème siècles vers le Nouveau Monde.

En trois siècles, les perspectives, et surtout les conditions de ces voyages, n'ont rien à voir : Marco Polo est un marchand, qui voyage à titre privé pour ses affaires, puis qui devient l'ambassadeur de l'empereur de Chine. Son regard est empreint de curiosité, mêlée alternativement de naïveté, de doutes, d'admiration ; pas de trace pour le mépris, la peur dans tout ce qu'il relate. Rien de tel pour Christophe Colomb et ses successeurs : leurs voyages visent à conquérit des terres au nom des rois qui les missionnent, à rapporter de l'or et à christianiser les peuples conquis.Certes, leurs écrits font état de leur surprise devant ce qu'ils voient mais ils témoignent surtout de leur sentiment de supériorité face aux peuplades qu'ils rencontrent.


Deux situations de communication, deux visées narratives différentes :

Marco Polo écrit après son retour pour témoigner.

Christophe Comb et Cortès écrivent au fil des jours, pour rendre des comptes à leurs souverains, pour justifier leurs actes.

J. de Léry (XVIème siècle) assure une sorte de transition avec la pensée éclairée du XVIIème siècle; c'est un humaniste de la Renaissance et sa situation de protestant persécuté lui donne un sens de la tolérance, du respect de l'autre dans sa différence. Comme son récit a été écrit plusieurs années après son retour, il lui est plus aisé de faire preuve de distanciation critique.


Eden ou Eldorado ?

Marco Polo, comme les hommes de son temps, croyait à l'Eden perdu, situé en Orient selon la lettre du prêtre Jean, apocryphe qui a eu un énorme retentissement au Moyen Age. D'ailleurs, dans don récit, il ne remet pas en question ce royaume. Christophe Colomb a cru repartir sur les traces de Marco Polo et a cherché en vain à reconnaître ce que son illustre prédecesseur avait écrit. Le mythe de l'Eldorado a ensuite porté des générations de conquistadors, persuadés de trouver l'or mythique.


Bilan : la différence (la diversité, la différence des points de vie); L'Eden ou l'Eldorado (le mythe du paradis perdu).


Prolongements : L'Odyssée, Homère (6ème)

La Bible

L'Eldorado, Candide, Voltaire (XVIIIème siècle)

"Comment peut-on être Persan ?", Montesquieu, Lettres persanes

Comment Wang-Fô fut sauvé, Marguerite Yourcenar, Nouvelles orientales