"Ma musique est pour toutes les oreilles, sauf pour les longues", Mozart

« De la musique avant toute chose,

Et pour cela préfère l’Impair

Plus vague et plus soluble dans l’air,

Sans rien en lui qui pèse ou pose. » […]

Prends l’éloquence et tords-lui son cou ! »

Verlaine, « Art poétique », Jadis et Naguère, 1884

LE POETIQUE : la création littéraire (étymologie grecque : « création »)

LA POETIQUE : elle exprime un rapport singulier au langage et au monde.

LA PROSODIE : « bonne prononciation » (1562 <>« prosôdia » : « accent, quantité, dans la prononciation » )

Caractères quantitatifs (durée) et mélodiques des sons, des syllabes en tant qu’ils interviennent dans la poésie (métrique, versification ; mètre, pied) ; règles concernant ces caractères ; règles concernant les rapports de quantité, d’intensité, entre les temps de la mesure et les syllabes des paroles, dans la musique vocale.

LES FORMES FIXES : le sonnet, l'ode (« ôde » = chant) : « Mignonne, allons voir si la rose », Ronsard ; la ballade ; le pantoum (Baudelaire : « Harmonie du soir », « Spleen et Idéal », Fleurs du mal), le blason, l’haïku…

LES FORMES LIBRES : « cohésion nucléaire » d’autant plus forte (Julien Gracq) avec ligne mélodique et effets de reprises thématiques, lexicales, rythmiques => adéquation Sa/Sé (une forme qui fait sens)

Le poème en vers libre

Le poème en prose

« On construit un poème comme une machine », Edgar Poe (traduit par Baudelaire) => le poète, selon Nietzsche, doit être à la fois « apollinien » (le travail de la forme, de l’esthétique) et « dionysiaque » (l'ivresse de l’inspiration, le "démonisme" de Goethe).

LA METRIQUE : la versification ; le mère peut être régulier ou irrégulier, pair ou/et impair

Le vers pair : alexandrin (12), décasyllabe (10), octosyllabe (8)

Le vers impair* : 5, 7 (heptasyllabe), 9, 11 * « De la musique avant toute chose,/ Et pour cela préfère l’Impair/ Plus vague et plus soluble dans l’air, / Sans rien en lui qui pèse ou pose. » Paul Verlaine, « Art poétique » , Jadis et Naguère, 1884

Le vers blanc : on peut le trouver dans un texte en prose (ex. : un alexandrin dans Madame Bovary de Flaubert : « Emma silencieuse* regardait tourner les roues ») * diérèse

LES RIMES : riches (1 phonème), suffisantes (2) , pauvres (1) ; embrassées (ABBA) ; croisées (ABAB) ; suivies (AABB)

LES EFFETS RYTHMIQUES : enjambements (rejets et contre-rejets)

Rythmes binaire, ternaire (romantique : « du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et du murmure du vent», Chateaubriand ; «Les sanglots longs des violons de l’automne bercent mon cœur d’une langueur monotone », Verlaine)

Rythmes accumulatif (énumérations) ; progressif : gradation (« Va, cours, vole et nous venge », Corneille, Le Cid)

Ruptures de rythmes : hyperbate, anacoluthe (« Exilé sur le sol »/ » Ses ailes de géant », Baudelaire, « L’Albatros » ; « Le nez de Cléopâtre/ s’il eût été plus…/ Toute la face du monde eût été changée», Pascal, Pensées ; », « Oh ! vraiment marâtre Nature, puisqu’une telle fleur ne dure que du matin jusques au soir », Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose »).

LES EFFETS SONORES : harmonie imitative (*« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes », Andromaque, Racine)

L’allitération : répétition de consonnes (« Enivrez-vous de vin, de poésie et de vertu », Baudelaire)

L’assonance : répétition de voyelles (assonance en « ou » : « Il a deux trous rouges au côté droit . »)

La diérèse : insistance sur un phonème qui devient une syllabe (« les violons de l’automne », Verlaine)

Le e muet : il se prononce en fin de mot à l’intérieur d’un vers si le mot suivant commence par une consonne. Il ne se compte jamais comme une syllabe en fin de vers.

Le hiatus : rencontre de deux phonèmes (« et est »).


LES SONORITES : « Les mots s’allument de reflets réciproques », Mallarmé.

« vertige » : « Valse mélancolique et langoureux vertige », Baudelaire

Fricatives : « Les parfums ne font pas frissonner sa narine » , Rimbaud, « Le Dormeur du val » => associations de fricatives et de vibrantes (dures) pour exprimer la brutalité de la réalité que le lecteur découvre peu à peu : le jeune soldat ne dort pas, il ne respire plus, il est mort. Cette violence du poème est implicite : négation + allitération en « f » + « r » = sonorités désagréables (euphémisme > litote) => « Tranquille » ® + « .Il a deux trous rouges au côté droit . » (allitération en « r »).

Association de plusieurs effets :

« Oh ! vraiment marâtre Nature, puisqu’une fleur ne dure que du matin jusques au soir ! »

allitération de consonnes dures : « r », « s », « v », « f » (fricatives) + anacoluthe et ellipse

L’HARMONIE IMITATIVE :

« Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur vos têtes », Andromaque, Racine => *assibilation : S, la « lettre serpent », Paul Valéry

« Tout m’afflige et me nuit et conspire à me nuire », Racine, Phèdre : allitération de nasales (sonorités sourdes)

LES JEUX D’ECHO: reprises thématiques, rythmiques et sonores = effets de rimes intérieures (armature interne)

L’EUPHONIE : harmonie de sons agréablement combinés ; du grec « eu » (bien) et « phône » (son) [ « et est »« sa vraie apparence » (véritable) – « c’est… qui » - de par]

"Amant alternae Camenae", Virgile

("Les Muses aiment les chants alternés")


« La poésie de Baudelaire doit sa durée et cet empire qu’elle exerce encore, à la plénitude et à la netteté singulière de son timbre. Cette voix, par instants, cède à l’éloquence, comme il arrivait un peu trop souvent aux poètes de cette époque ; mais elle garde et elle développe presque toujours une ligne mélodique admirablement pure et une sonorité parfaitement tenue qui la distinguent de cette prose […]. Mais la plus grande gloire de Baudelaire est sans doute d’avoir engendré quelques très grands poètes. Ni Verlaine, ni Mallarmé, ni Rimbaud n’eussent été ce qu’ils furent sans la lecture qu’ils firent des Fleurs du Mal à l’âge décisif. »Paul Valéry, Situation de Baudelaire.

La poésie ou le chant qui guérit...

"De la musique avant toute chose"...

Lyre, lyrisme

Tragédie (tragos-ôde)

Dionysos, Apollon, Calliope, Thalie, Nelpomène, Orphée... ou le chant qui guérit ?

Dans l'Antiquité grecque, la musique, le chant, la danse et le théâtre étaient indissociables.

Ils étaient associés à "l'art médical".


La poésie ou le chant qui guérit

Quel est le nom de ce dieu ?

Et pourquoi est-il honoré à Epidaure ?


ESCULAPE, le dieu de la chirurgie et de la médecine

Il est le fils de Coronis et d'Apollon (ou le dieu de la beauté égoïste) => Les Métamorphoses d'Ovide

De naissance miraculeuse, formé par le centaure Chiron, il devient un bon médecin.

Il apprend également la musique et les mathématiques.

L'hybris

Il serait arrivé un jour en retard au chevet d'une jeune malade qu'il aurait ressuscitée grâce au sang de la Méduse pour réparer sa faute.

Il aurait été châtié pour avoir bouleversé la loi divine (tous les hommes sont mortels) et provoqué la colère d'Hadès (le dieu de la vallée des morts) parce qu'il aurait rompu l'équilibre => Prométhée enchaîné d'Eschyle

Il est honoré d'abord à Epidaure, puis dans toute le Grèce, sous la forme d'un serpent.


Le théâtre d'Epidaure

Ouverture de deux sites à Epidaure, au début et à l'apogée de la civilisation grecque :

au IVème siècle avant JC


1. Un centre médical et religieux (capacité d'accueil de 60 malades) : miracles ou thérapies miraculeuses ?

Les percussions contribuaient à soigner les "mélancoliques"

Et la lyre les "agités"...

2. Un théâtre antique (ou amphithéâtre) à l'acoustique exceptionnelle construit par l'architecte Polyclète.



"Amant alternae Camenae", Virgile

("Les Muses aiment les chants alternés")


*****


"Le ressort de la tragédie-spectacle, (...) c'est le revirement. Changer toutes choses en leur contraire est à la fois la formule du pouvoir divin et la recette même de la tragédie".
Roland Barthes, Sur Racine (1979)


De l'épopée (inspirée du mythe) à la tragédie et au roman...

tempoemythe.blogspot.com

Oedipe et le Sphinx, Ingres


I. Le sacrifice du héros tragique ("tragos-ôde") : la "purgation des passions", de la tragédie grecque au théâtre janséniste de Racine ( "mimesis " et "catharsis" : le châtiment de l'"hybris").
=> la tragédie classique (p. 43)


"S'il se vante, je l'abaisse..."


La poésie ou le chant qui guérit : mimesis et catharsis

"Le ressort de la tragédie-spectacle, (...) c'est le revirement. Changer toutes choses en leur contraire est à la fois la formule du pouvoir divin et la recette même de la tragédie".

Roland Barthes, Sur Racine (1979)

Issue des légendes grecques d'abord transmises oralement par des aèdes (poètes chanteurs), l'épopée est la première forme du récit. Le genre épique se retrouve dans de nombreuses civilisations. La tragédie succède à l'épopée (p. 113) mais est antérieure à la comédie.

Le genre épique se retrouve dans de nombreuses civilisations.

Issue des légendes grecques d'abord transmises oralement par des aèdes (poètes chanteurs), l'épopée est la première forme du récit. La tragédie succède à l'épopée (p. 113) mais est antérieure à la comédie.

Jean-Pierre Vernant caractérise la tragédie par une tension entre le passé du mythe et le présent de la polis.


De l'épopée à la tragédie : tempoetheatre.blogspot.com

samedi 20 mars 2010

"L'hybris" ou la démesure : le désir, la libido*, la "passion", le péché ?


"Impatients désirs d'une illustre vengeance

Dont la mort de mon père a formé la naissance,

Enfants impétueux de mon ressentiment,

Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,

Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire

[...]

Quand vous me présentez cette sanglante image,

La cause de ma haine, et l'effet de sa rage,

Je m'abandonne toute à vos ardents transports,

Et crois, pour une mort, lui devoir mille morts.

Au milieu toutefois d'une fureur si juste,

J'aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,

Et je sens refroidir ce bouillant mouvement

Quand il faut, pour le suivre, exposer mon amant."

Corneille, Cinna, I, 1


Emilie,

ou l'une des nombreuses figures de l'insoumission aristocratique chez Corneille


cf. L'éloge et le blâme : la critique des sentiments extrêmes (le roman, la tragédie, la comédie, l'essai)

=> la critiques des personnages à "idée fixe" (les monomaniques de "La Comédie humaine" de Balzac), le comique de caractère des comédies de Molière, la mise en scène de "l'hybris" dans la tragédie ("tragos-ôde") : "mimesis" et "catharsis" de l'Antiquité au théâtre classique en France (la dénonciation des "passions" du théâtre de Racine)

Rappel : l'éloge et/ou le blâme en littérature expriment la subjectivité du jugement qui fait appel à des valeurs esthétiques, éthiques, sociales / normes liées à une époque (un mouvement) et un genre littéraire. Il est lié au goût (au « sensible »), à la distinction de critères individuels et/ou sociaux.

Les critères de l'éloge et/ou du blâme :

  • esthétiques (beau/laid)

  • éthiques (bien/mal ; honnête/malhonnête)

  • de droit (juste/injuste ; honnête/malhonnête ; loyal/déloyal)

  • pratiques, fonctionnels, pragmatiques, stratégiques (utile/inutile ; constructif/ destructif)

  • sociaux (noble/vulgaire (commun) ; bas/élevé

  • artistiques (art/artifice ; artiste/artisan ; naturel/culturel ; naturel/artificiel)

  • philosophiques (X la physique et la métaphysique complémentaires dans l'Antiquité grecque) (; temporel/éternel; matériel/spirituel; corps/esprit; matière/âme)

    * être/paraître

Référentiel (bas-élevé) : culture du mépris, de la distinction, du cynisme

Evolution : progrès ou dégradation des valeurs héroïques/humaines ?

Honneur/ Déshonneur : loyal/déloyal, gentil, rusé, cynique, pathétique, vilain, noble, vulgaire, généreux

=>ces mots ont-ils aujourd'hui le même sens ?


Débat sur l'esthétique : Qu'est-ce que le beau ?


De dénotations en connotations, observez comment des glissements peuvent s'opérer, des amalgames servir d'aliments à des polémiques, des analogies faire éclore des "fleurs de rêve" (ou de cauchemars) poétiques.


Antithèses : vide/plein ; haut/bas ; obscur/clair...


Quelles associations d'idées et d'images ces mots provoquent-ils ?


"Les mots s'allument de reflets réciproques", Stéphane Mallarmé


Roman collectif "générationnel" : cf. www.tempoeroman.blogspot.com


"On en pense que par images, si tu veux être philosophe écris des romans", Camus


Invention : quelle(s) réussite(s) pour demain ?


=> Les Caractères, La Bruyère ; La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette,


Héros ou anti-héros ?


La démesure du "héros" ("l'hybris"), l'excès, le désir, la libido*, la "passion", le péché**, le vice, la concupiscence*** , la convoitise, l'avidité, la jalousie, le crime, la folie ("furor"), le trouble, la déraison, la subversion, la rébellion, la marginalité, l'amoralité, l'immoralité, le désordre, le chaos, l'anarchie?

L'honnêteté : la mesure et la raison de "l'honnête homme" (morale, équilibre, modération, tempérance, prudence, vertu) => La "belle personne", Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves

* la libido : le désir (en latin)

Saint Augustin fut le premier à distinguer trois types de désirs : la "libido sciendi" (ldésir de connaissance), la "libido sentiendi" (désir sensuel au sens large) et la "libido dominandi" (désir de dominer). Cette catégorisation a été reprise par Jansénius (à l'origine du Jansénisme (cf. Pascal et Racine au XVIIème siècle).

En philosophie, Spinoza emploie le terme au sens d'appétit sensuel ("libido est etiam cupiditas et amor in commiscendis corporibus", Eth, III, déf.48)

En psychanalyse, c'est le désir sexuel pour Freud (une force ou énergie pulsionnelle qui entre en conflit avec les conventions et le comportement civilisé), l'énergie créatrice pour Jung.


** Dans la religion catholique, identifiés par saint Thomas d'Aquin, les péchés capitaux (7) correspondent aux péchés dont découlent tous les autres : la paresse ("acédie" : paresse spirituelle), l'orgueil, la gourmandise, la luxure, l'avarice, la colère et l'envie.


*** la concupiscence : penchant pour les plaisirs sensuels (synonymes : appétit, attrait, convoitise, désir, inclinaison, penchant, sensualité)


Jérôme Bosch, Les Sept Péchés capitaux (Vers 1450), Musée du Prado, Madrid



vendredi 19 mars 2010

"Impatients désirs d'une illustre vengeance "...

Le monologue d'Emilie : Cinna, Corneille, Acte I, scène 1


1 Impatients désirs d'une illustre vengeance

Dont la mort de mon père a formé la naissance,

Enfants impétueux de mon ressentiment,

Que ma douleur séduite embrasse aveuglément,

5 Vous prenez sur mon âme un trop puissant empire ;

Durant quelques moments souffrez que je respire,

Et que je considère, en l'état où je suis,

Et ce que je hasarde, et ce que je poursuis.

Quand je regarde Auguste au milieu de sa gloire,

10 Et que vous reprochez à ma triste mémoire

Que par sa propre main mon père massacré

Du trône où je le vois fait le premier degré ;

Quand vous me présentez cette sanglante image,

La cause de ma haine, et l'effet de sa rage,

15 Je m'abandonne toute à vos ardents transports,

Et crois, pour une mort, lui devoir mille morts.

Au milieu toutefois d'une fureur si juste,

J'aime encor plus Cinna que je ne hais Auguste,

Et je sens refroidir ce bouillant mouvement

20 Quand il faut, pour le suivre, exposer mon amant.

Oui, Cinna, contre moi, moi-même je m'irrite

Quand je songe aux dangers où je te précipite.

Quoique pour me servir tu n'appréhendes rien,

Te demander du sang, c'est exposer le tien :

25 D'une si haute place on n'abat point de têtes

Sans attirer sur soi mille et mille tempêtes ;

L'issue en est douteuse, et le péril certain :

Un ami déloyal peut trahir ton dessein ;

L'ordre mal concerté, l'occasion mal prise,

30 Peuvent sur son auteur renverser l'entreprise,

Tourner sur toi les coups dont tu veux le frapper ;

Dans sa ruine même il peut t'envelopper ;

Et quoi qu'en ma faveur ton amour exécute,

Il te peut, en tombant, écraser sous sa chute.

35 Ah ! Cesse de courir à ce mortel danger ;

Te perdre en me vengeant, ce n'est pas me venger.

Un coeur est trop cruel quand il trouve des charmes

Aux douceurs que corrompt l'amertume des larmes ;

Et l'on doit mettre au rang des plus cuisants malheurs

40 La mort d'un ennemi qui coûte tant de pleurs.

Mais peut-on en verser alors qu'on venge un père ?

Est-il perte à ce prix qui ne semble légère ?

Et quand son assassin tombe sous notre effort,

Doit-on considérer ce que coûte sa mort ?

45 Cessez, vaines frayeurs, cessez, lâches tendresses,

De jeter dans mon coeur vos indignes faiblesses ;

Et toi qui les produis par tes soins superflus,

Amour, sers mon devoir, et ne le combats plus :

Lui céder, c'est ta gloire, et le vaincre, ta honte :

Montre-toi généreux, souffrant qu'il te surmonte ;

51 Plus tu lui donneras, plus il va te donner,

Et ne triomphera que pour te couronner.




De la lecture à l'écriture : la rédaction* du 2ème axe du commentaire

Emilie,

ou l'une des nombreuses figures de l'insoumission aristocratique chez Corneille


Cinna
, Corneille, I, 1

I - Un monologue d'exposition : un dilemme tragique ?


* consulter : la correction de la réponse à la question d'observation sur les héroïnes tragique ("l'hybris", du héros cornélien au héros racinien + le polycopié : exemples de formules utilisables dans un commentaire de textes à l'oral et à l'écrit)

LE QUESTIONNEMENT DU TEXTE => pousser plus loin l'analyse dans le 2ème axe du commentaire organisé et rédiger, avec vos mots à vous...

La situation : la conspiration contre Auguste est déjà en place, puisque les conjurés se réunissent le jour-même => Quel est la fonction de ce monologue "délibératif" ?

"En toute chose, il faut considérer la fin", La Fontaine

*****

Quelques questions au préalable :



Qui est Emilie ? Que veut-elle ? Quels obstacles rencontre-t-elle ?

une héroïne tragique ... (étymologie : "héros" - "tragédie") => le sacrifice du héros éponyme

Comparer avec la situation tragique de Britannicus par exemple :
les couples Junie-Britannnicus et Emilie-Cinna
(/ Rodrigue et Chimène)

Qui meurt et pourquoi ?
Qui est sacrifié et par qui ?

Britannicus est encore vivant (II, 6 - III 8) : s'il meurt, est-ce de la faute de Junie ?

Cinna ne meurt pas, il est épargné, mais est-ce grâce à Emilie ? (I, 4)

"Oui, va, n'écoute plus ma voix qui te retient,
Mon trouble se dissipe et ma raison revient.
...Meurs s'il faut mourir, en citoyen romain,
Et par un beau trépas couronne un beau dessein."


Qu'est-ce que le théâtre ?

"MIMESIS" et "CATHARSIS"
("monstre" / "montrer" la démesure pour purger les passions)

texte et représentation : tempoetheatre.blogspot.com

"Le théâtre, un art de la parole" ?


Comment le spectateur est-il informé de ce "dilemme" ?

Comment y Emilie parvient-elle à en sortir ?

Quelle est la composition de ce monologue ?
Comment la composition de ce monologue en favorise-t-elle une interprétation ?
Cette interprétation est-elle univoque ?

A quel moment son discours est-il enflammé ? et de quoi est-il question ?

A quel moment se refroidit-il ?

"Quand je délibère, les jeux sont faits", Sartre


*****

II - "Une délibération "pour la forme" ?

(forma = beauté => "pour la beauté du geste" ?)

Un dilemme rhétorique ?



Proposition pour un premier relevé (1er paragraphe) : la pesée ("pensare" : penser et peser)

Le manichéisme // effets de parallélisme rythmiques et syntaxiques : les antithèses
(verticalement et horizontalement)

"toutefois" et "Mais" (déjà étudiés dans le 1er axe) + ""coûte" : 2 x (v. 40 et 44)

D'un côté : "La mort d'un ennemi qui coûte..." (v.40), de l'autre : "ce que coûte sa mort"(v.44)

"L'issue en est douteuse, et le péril certain" (v.27)

"Quand il faut"... "Quand je songe" (anaphore)

"exposer" (V.20) ; "demander" (v.24) ;

"perdre" (v. 36), "perte" (v.42)

Comparer les champs lexicaux : la douleur et la mort / la gloire, la vengeance, le triomphe

Comparer les champs lexicaux du chaud et du froid


"Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas", Pascal



Proposition pour un 2ème relevé (2ème paragraphe) : une héroïne cornélienne => la gloire (/racinienne) => une tragédie politique ("Meurs s'il faut mourir, en citoyen romain")

"illustre" (v.1)
"gloire" (v.9)
"Auguste" (2 x)
"d'une si haute place" (v.25)
"triomphera" (v.52)
"couronner"(v.52)

De quelle "passion" est-il question ?

"Je m'abandonne toute à vos ardents transports" (v.15)

De quelle "la furor" est-il question ? [comparer à Hermione, par exemple]


"Mon trouble se dissipe et ma raison revient" (I, 4)

De quel "trouble" est-il question ? [Comparer à Phèdre, par exemple]


Le monologue d'Emilie est-il pathétique ?

Comment qualifie-t-elle la tendresse ?

"lâches tendresses" (v.45)

A quoi la tendresse est-elle assimilée ?

"indignes faiblesses" (v. 46)


La rhétorique du blâme : quelle est la convergence des effets ?

Le mot "coeur" a-t-il le même sens aux vers 37 et 46) ?

Quel est le sens de ce mot dans le théâtre de Corneille ?

"Rodrigue as-tu du coeur ?"

Emilie aime-t-elle ?
Comment aime-t-elle ?
Comment une héroïne cornélienne aime-t-elle ?

Comparer Chimène et Emilie / Hermione et Phèdre

Quel est le mot "rayonnant"* de ce monologue ?

* mot rayonnant (celui qui éclaire tous les autres) : "Les mots s'allument de reflets réciproques"

La rhétorique de l'éloge : quelle est la convergence des effets ?


"Mais peut-on en verser alors qu'on venge un père ?

Est-il perte à ce prix qui ne semble légère ?


...

Amour, sers mon devoir, et ne le combats plus :

Lui céder, c'est ta gloire, et le vaincre, ta honte :

Montre-toi généreux, souffrant qu'il te surmonte ;

51 Plus tu lui donneras, plus il va te donner,

Et ne triomphera que pour te couronner."


Propositions pour un 3ème relevé (3ème axe) :

relire les articles de préparation au commentaire et à la question d'observation : les héroïnes tragiques


Qui est Corneille ?

Quelle est sa relation au pouvoir ?

Comment et pourquoi la rhétorique du devoir triomphe-t-elle ?

Etudier les modalisateurs d'obligation et la généralisation dans les interrogatives finales

("on" = personne)


Quelles sont les valeurs qui triomphent dans ce monologue ?

L'amour peut-il trouver sa place ?

"Quand on aime, on ne compte pas"...

Tout n'est-il pas joué d'avance ?

Quelle est la caractéristique essentielle du héros cornélien ?

"Mes pareils à deux fois ne se font point connaître,
Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître", Rodrigue dans Le Cid

Est-elle présentée sous forme d'éloge ou de blâme ?

Que pensez-vous du "panache" des héros cornéliens ?

Le dispositif de mise à en scène de la "superbe" qui caractérise les héros se présente-t-il de la même façon dans le théâtre de Corneille et celui de Racine ?

=> correction du sujet d'invention : lundi 29 mars

Dans une réflexion argumentée vous écrirez un texte qui commencera au choix par : "Je me reconnais dans la démesure tragique" ou "Je ne veux pas me reconnaître dans la démesure tragique..."


Cinna, une tragédie classique et/ou baroque ?

Comment le "moi" est-il représenté ?

Est-il présenté comme "haïssable" ?

Ce monologue vous semble-t-il dénoncer la démesure du personnage ?

Comment l'idéal humain de "l'honnête homme" est-il représenté dans cette tragédie ?

Où, quand, comment et par qui la démesure héroïque est-elle condamnée dans Cinna ?

La passion est-elle condamnée aussi cruellement que dans le théâtre de Racine ?

"S'il se vante je l'abaisse; s'il s'abaisse je le vante;
et je le contredis toujours, jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il est un monstre incompréhensible ", Pascal
, Pensées



"MIMESIS" et "CATHARSIS" ("monstre" / "montrer")

Qu'est-ce que le théâtre ?

"Un art de la parole"

=> correction de la dissertation : vendredi 26 mars

texte et représentation : tempoetheatre.blogspot.com




Quelques citations* pour éclairer la lecture :

"On aperçoit aisément que la morale cornélienne, fondée sur l'orgueil et la grandeur glorieuse, ne pouvait qu'appuyer la protestation de l'aristocratie contre l'assujettissement où les rois prétendaient la réduire. L'horreur profonde de toute humiliation infligée au moi est bien la source de toute la vertu cornélienne : or, c'était depuis des siècles, le sort des grands d'être ou de se prétendre humiliés par la royauté. Affirmer leur orgueil en dépit du mauvais destin, c'était pour eux affirmer leur insoumission" .
Paul Bénichou,
Morales du grand siècle

"A mon avis le classicisme est une gigantesque entreprise cherchant à affirmer le pouvoir de la pensée sur le chaos pour rendre la vie et la nature plus supportables. La règle des trois unités, la versification, sont des moyens pour rendre le mystère, la monstruosité de l'existence visibles et gérables. Dans L'Illusion comique, le jeune Corneille suit toutes ces règles, mais très vite, la matière même de son texte explose".
L'Illusion comique par Galin Stoev, propos recueillis par Laurent Muhleisen, décembre 2008



* arguments d'autorité

*****

Et pour finir, conduire le lecteur, adopter un plan progressif : consulter l'article "La lecture analytique ou dramaturgie heuristique pour l'explication de texte".

Sans oublier...

"Le diable, c'est l'ennui"...

*****

Rappel :

L"hybris" : du héros cornélien au héros racinien - Le monologue délibératif

Didactique – Les monologues tragiques : complément de correction de la réponse à la question sur le corpus


Todorov le qualifie de “ projection de la forme exclamative ” , pour Benveniste, le monologue est un dialogue intériorisé


Corpus de textes :

Corneille, Horace (1640), acte III, scène 1

Corneille, Cinna (1641), acte I, scène 1

Racine, Andromaque (1667), acte V, scène 1

Racine, Bajazet (1672), acte IV, scène 4


De l'héroïsme cornélien au pessimisme racinien; s'interroger sur leur “ influence ” sur le cours de l'action à partir de cette définition de la mauvaise foi sartrienne : “ Quand je délibère, les jeux sont faits ”.

Sabine n'a rien à choisir, Hermione a déjà donner l'ordre d'exécuter Pyrrhus; la conspiration contre Auguste est déjà en place, puisque les conjurés se réunissent le jour même. Seule Roxane a encore le choix de condamner à mort Bajazet...


Commencer par souligner l'unité générique, temporelle, thématique du corpus : l'amour contre une autre force (conflit intérieur)

Cohérence générique et typologique : les quatre pages sont des extraits de tragédies à caractère délibératif.

Définir "le tragique" et la tragédie et relier cette réflexion au caractère rhétorique de ces quatre extraits.


I - La dimension dialogique du monologue : y a-t-il débat intérieur ? Dilemme ?

Le conflit intérieur chez Corneille

Dégager la solitude des héroïnes, le conflit tragique.

Inscrire le corpus dans une problématique de lecture et de langue : la question du temps (entre passé trop lourd et avenir impossible).; enchaînement des textes de Corneille et de Racine ; progression convaincante ; soulignement de l'unité générique, temporelle, thématique du corpus : . Distinction faite entre genre et registre.

Les quatre extraits donnent à lire des monologues, situés à des moments clés (exposition, noeud, montée des périls, dénouement) de la tragédie classique. Enoncés par quatre héroïnes amoureuses, ils mettent en jeu des sentiments et des relations de pouvoir aux autres. Notons que les quatre amantes appartiennent à des familles dont les liens avec le pouvoir politique sont très forts, ou occupent une position politique éminente.

Les trois derniers monologues entretiennent entre eux des correspondances : la femme amoureuse va t elle “ exposer ” son amant à la mort (Cinna), voire ordonner sa mort (Andromaque, Bajazet) ? Les deux monologues cornéliens mettent en jeu un conflit entre l'amant et le père ; chez Racine, les deux héroïnes préfèrent choisir la mort de l'amant plutôt que de le voir appartenir à une autre.


II - Fonction lyrique, fonction dramaturgique d'une "pensée parlée" : un artifice de représentation ? une "projection de la forme exclamative", Todorov ; un dialogue intériorisé pour Benveniste

    La dramaturgie classique en France (Nizet 1959) de Jacques Schérer :

La fonction essentielle d'un monologue est de permettre l'expression lyrique d'un sentiment. En échappant à ses interlocuteurs, le personnage échappe à la nécessité de dissimuler ou celle de respecter certaines bienséances, et il peut dire les élans de son coeur. Le monologue permet au dramaturge, non seulement de faire connaître les sentiments de son héros facilité que lui offre tout dialogue mais de les chanter. (... ) A la fonction lyrique du monologue s'en ajoute parfois une autre. L'expression des sentiments peut ne modifier en rien la situation psychologique du personnage qui monologue : une lamentation est stérile si le héros se retrouve à la fin dans le même état qu'au début. Il en est souvent ainsi. Mais quelquefois aussi, ce retour sur soi même qu'est le monologue fait découvrir une issue ; si le chant n'est pas gratuit, s'il est aussi analyse et réflexion, il peut aboutir à une solution. Le monologue conduisant à une décision devient ainsi un élément de l'intrigue au même titre qu'une scène d'action dialoguée. Des tendances qui luttent dans le personnage isolé, l'une prend le dessus( ...)”

Le monologue peut encore avoir, tout au moins jusque vers 1650, une dernière fonction. Celui qui le prononce peut faire connaître un fait, non seulement au spectateur, mais aussi à un personnage qui, en se dissimulant, l'écoute. II est superflu de souligner l'artifice du procédé : c'est déjà une convention que de présenter au spectateur une pensée parlée, c'en est une moins vraisemblable encore que de supposer ces paroles fictives assez distinctement prononcées pour être entendues par un autre personnage. ”.


Aux fonctions, aux formes du monologue, il convient d'ajouter pour s'approcher d'une définition complète une réflexion sur la singularité énonciative du procédé. Convention théâtrale communément admise et pratiquée, le monologue relève d'un statut paradoxal de la prise de parole : parler tout haut, tout seul. Tous les théoriciens ont voulu en réduire l'usage, au nom de la vraisemblance, et ne l'admettent que s'il est passionné, et proféré sous le coup d'une émotion.


Dans L'univers du théâtre (PUF 1978) quelques unes des particularités du monologue sont ainsi exprimées : “ la principale pourrait être de donner accès à la pensée d'une “ personne ” disposant de la liberté d'expression que lui confère le fait d'être seule. C'est par convention que la parole du monologuiste est proférée ; la médiation des paroles est censée absente et le spectateur jouit d'une emprise plus directe sur le déroulement du “ monologue intérieur ”. Plus que le dialogue peut être, le monologue peut contribuer à révéler le personnage de l'intérieur, à faire mesurer la distance séparant les intentions, les tropismes, la pensée en gestation de la parole ”. Todorov le qualifie de “ projection de la forme exclamative ” (in Les registres de la parole, Journal de psychologie n° 3, 1967).


Enfin chacun note comment le dialogue fait souvent entendre un véritable dialogue, voire une polyphonie, quand le “ je ” se dédouble ou se décompose en différentes instances énonciatives, soit pour donner plus de vie à la scène, plus d'intensité dramatique au dilemme, soit pour exprimer les tourments d'un être divisé. De fait, pour Benveniste, le monologue est un dialogue intériorisé, formulé en langage intérieur entre un moi locuteur et un moi écouteur : “ Parfois, le moi locuteur est seul à parler ; le moi écouteur reste néanmoins présent ; sa présence est nécessaire et suffisante pour rendre signifiante l'énonciation du moi locuteur. Parfois aussi le moi écouteur intervient par une objection, une question, un doute, une insulte ” (article “ monologue ” du Dictionnaire du théâtre de Pavis ( Dunod, 1996).




Poésie et mythe : du grec "poiêsis" : création



"Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre"

"Fiat lux"...

"Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut."

La Genèse, Ancien Testament





Gustave Doré, illustration to Milton'Paradise Lost

A l'origine était le mythe...


"On ne pense que par image. Si tu veux être philosophe, écris des romans", Albert Camus


Le mythe : récit légendaire des origines qui exprime les valeurs d'une société. Amplifié par l'imaginaire collectif, il s'inspire de légendes portées par une tradition orale.


[bas latin mythus ; grec muthos : récit, fable]


"Un mythe est une histoire, une fable symbolique, simple et frappante", Denis de Rougemont

Le mythe est un récit fabuleux porté à l'origine par une tradition orale. Souvent d'origine populaire, il met en scène des êtres incarnant sous une forme symbolique des forces de la nature, des aspects de la condition humaine (fable, légende, mythologie). Il contient généralement une morale.


Représentation de faits ou de personnages réels déformés ou amplifiés par l'imaginaire collectif, la tradition. Il implique souvent des personnages merveilleux (des dieux, des héros*, des animaux fabuleux, des anges ou des démons).

* héros : au sens étymologique de "demi-dieu"

Le mythe se veut explicatif et fondateur d'une pratique sociale. Il propose sous forme métaphorique une lecture du monde et de la société qui les transmet (cosmogonie et genèse : création du monde, phénomènes naturels, rapports de l'homme avec le divin et la société, genèse d'une société humaine et ses relations avec les autres sociétés).

Distinction : religion, histoire et mythe et mythe, fable, conte et roman ...

Définition de l'apologue...

De l'épopée à la tragédie et au roman...

"Fiat lux"

Le mythe de Prométhée :

Prométhée "porteur de feu"

Selon La Théogonie d'Hésiode, Prométhée créa les hommes à partir d'une motte d'argile (et le souffle de vie d'Athéna). Malgré l'opposition de Zeus, il leur donna le feu divin, leur enseigna la métallurgie et d'autres arts.

Prométhée (Proêtheus : le prévoyant) est un Titan, fils de Japet et de Thémis, frère d'Atlas. (Selon une autre légende minoritaire, il serait né d'Héra et du géant Eurymédon.

=> La tragédie grecque : Eschyle, Sophocle, Euripide

1. Les tragédies d'Eschyle :

PROMETHEE ENCHAINE - PROMETHEE DELIVRE - PROMETHEE PORTE-FEU


*****

Bibliographie :

Mythologie, Edith Hamilton

Le Mythe de l'éternel retour, Mircea Eliade

Mythologies, Roland Barthes

Psychanalyse des contes de fées, Bruno Bettelheim


(à suivre)



"Sans clefs, la grande armoire "
?

Rimbaud, "Les étrennes des orphelins", Poésies, 1870



"O saisons , ô châteaux ! "

Rimbaud, Poésies 1872

Poésie : du grec "poiêsis" : création


"On ne pense que par image"
, Camus

[art du langage, visant à exprimer ou à suggérer quelque chose par le rythme, l'harmonie et l'image ]


« Le Buffet », Arthur Rimbaud

C’est un large buffet sculpté ; le chêne sombre,

Très vieux, a pris cet air si bon des vieilles gens ;

Le buffet est ouvert, et verse dans son ombre

Comme un flot de vin vieux, des parfums engageants ;


Tout plein, c’est un fouillis de vieilles vieilleries,

De linges odorants et jaunes, de chiffons

De femmes ou d’enfants, de dentelles flétries,

De fichus de grand’mère où sont peints des griffons ;


 C’est là qu’on trouverait les médaillons, les mèches

De cheveux blancs ou blonds, les portraits, les fleurs sèches

Dont le parfum se mêle à des parfums de fruits.


 O buffet du vieux temps, tu sais bien des histoires,

Et tu voudrais conter tes contes, et tu bruis

Quand s’ouvrent lentement tes grandes portes noires.


Samuel van Hoogstraten, Les pantoufles (entre 1654 et 1662) - Musée du Louvre




POESIE et DECHIFFREMENT DU MONDE

Correspondances, Baudelaire


La Nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles ;

L'homme y passe à travers des forêts de symboles

Qui l'observent avec des regards familiers.


Comme de longs échos qui de loin se confondent

Dans une ténébreuse et profonde unité,

Vaste comme la nuit et comme la clarté,

Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.


Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,

Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,

-- Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,


Ayant l'expansion des choses infinies,

Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,

Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.


Baudelaire, Les Fleurs du mal, (1957)


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"O saisons , ô châteaux ! Quelle âme est sans défaut ?"


Rimbaud, Poésies 1872




"Il n'est qu'un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s'il pousse ses racines au plus profond de votre coeur."

Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète, 1903



"C'est par des chants que les peuples quittent le ciel de leur enfance pour entrer dans la vie active, dans le règne de la civilisation. C'est par des chants qu'ils retournent à la vie primitive. L'art est la transition de la nature à la civilisation, et de la civilisation à la nature"

Hölderlin



"Si votre quotidien vous paraît pauvre, ne l'accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le créateur rien n'est pauvre, il n'est pas de lieux pauvres, indifférents."

Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète, 1903




"Amant alternae Camenae", Virgile

("Les Muses aiment les chants alternés")