POESIE, GRACE et INSPIRATION


"Eucharis me dit que c'était le printemps"

Rimbaud, Illuminations



Eucharis, Lord Leighton, 1863



"-- Je suis résolu de vous suivre, mais je n'ai pas encore dit adieu à Eucharis."

Fénelon, Les Aventures de Télémaque


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« Défense du poète »


Ecrire un poème, est-ce une trahison,

comme devant la mise à mort d’un innocent

on détourne les yeux ? Aligner quelques mots

qui lâchent le réel pour un gramme d’azur,


est-ce dresser un paravent contre le monde

affolé dans son bain, parmi l’écume noire ?

Traiter sa fable favorite en libellule

par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain


qui manque à l’homme ? Remplacer le vrai printemps

par un printemps verbal aux toucans invisibles

qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter


notre nature ? Aimer une voyelle blanche

comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux

de notre amour universel, qui nous saccage ?


Alain Bosquet, Sonnets pour une fin de siècle, 1980

"Petit Poucet rêveur,.. un pied près de mon coeur"...

Orphée ramenant Eurydice, Corot (1861)

Orphée

Fils de Calliope et d'Apollon, poète et musicien, symbole de l'union entre la poésie et le chant, il aurait inventé la cithare et/ou ajouté deux cordes à la lyre à sept cordes reçue d'Apollon, atteignant ainsi le nombre des Muses.


Son chant charmait les dieux et les mortels. Il apprivoisait les fauves et parvenait même à émouvoir les êtres inanimés. Il participe à l'expédition des Argonautes et son chant réussit à l'emporter sur le chant mortifère des sirènes. C'est aussi par ses mélodies qu'il apaise Cerbère et charme les divinités infernales quand il descend aux Enfers pour obtenir le retour à la vie de son épouse Eurydice.


Orphée charmant les animaux, Mosaïque en provenance de Blanzy



Le Mythe d'Orphée


Sources littéraires de l'histoire tragique d'Orphée et d'Eurydice :

Grecque : Homère et Hésiode

Romaine : Virgile, Les Géorgiques, Ovide, Les Métamorphoses


La légende de cet aède mythique de Thrace ("aoidos" , chanteur : poète épique et récitant, dans la Grèce primitive), fils du roi Oeagre (p-ê d'Apollon) et de la muse Calliope (la plus éminente des Muses, protectrice de la poésie épique et parfois de l'éloquence [Kalliopê "Femme à la belle voix" ]) est l'une des plus obscures de la mythologie grecque. Elle est liée à la religion des mystères ainsi qu'à une littérature sacrée allant jusqu'aux origines du christianisme.



Eurydice : une des dryades (nymphe des bois), épouse d'Orphée.

Eurudikè : en grec, « la justice (ou la vengeance) sans bornes ».

Choisie par Orphée, fils de ma muse Calliope, pour devenir sa femme, elle fut mordue par un serpent le soir de ses noces. Orphée, qui était un musicien de génie, décida d'aller la chercher aux Enfers, armé de sa lyre. Charmées par ses mélodies, les divinités infernales acceptèrent de lui rendre son épouse, à condition qu'il ne se retourne pas une seule fois sur le chemin de son retour. Mais Orphée oublia sa promesse et perdit Eurydice à jamais.


Étymologie : Eurudikè, qui signifie, en grec, " la justice (ou la vengeance) sans bornes ", était une nymphe des bois (dryade) choisie par Orphée, fils de la muse Calliope, pour devenir sa femme.

L'histoire tragique d'Orphée et d'Eurydice : le soir de leurs noces, Eurydice fut mordue au mollet par un serpent. Elle mourut et descendit au royaume des Enfers. Orphée descendit alors aux Enfers et put, après avoir endormi de sa musique enchanteresse Cerbère le monstrueuyx chien à trois têtes qui en gardait l'entrée, et les terribles Euménides, approcher le dieu Hadès. Il parvint, grâce à sa musique, à le faire fléchir, et celui-ci le laissa repartir avec sa bien-aimée à la condition qu'elle le suivrait et qu'il ne se retournerait ni ne lui parlerait tant qu'ils ne seraient pas revenus dans le monde des vivants. Mais au moment de sortir des Enfers, Orphée, inquiet de son silence, ne put s'empêcher de se retourner vers Eurydice et celle-ci lui fut retirée définitivement, disparue dans les ténèbres.



Affligé par la perte définitive de celle-ci, Orphée reste inconsolable et solitaire.

Selon la version la plus répandue sur sa mort, il est mis en pièces par les Ménades, soit pour avoir dédaigné l'amour des femmes de Thrace, soit pour avoir exclu les femmes des mystères.

Selon une autre version, Orphée est foudroyé par Zeus pour avoir révélé ses expériences du royaume des morts à ses mystes.




Les Muses :

Dans la mythologie grecque, les Muses sont les neuf filles de Zeus et de Mnémosyne.

"Amant alternae Camenae", Virgile

("Les Muses aiment les chants alternés")


Mnémosyne ou la Mémoire

Une des Titanides.

Elle s'unit à Zeus pendant neuf nuits de suite et de cette relation naquirent les neuf Muses.

* Hésiode, Théogonie

Neuf divinités, patronnes des chants et des sciences : Calliope, Clio, Erato, Euterpe, Melpomène, Polymnie, Terpsichore, Thalie, Uranie.

Leur généalogie, leur nombre et leurs attributions précises ont beaucoup changé selon les époques.


Calliope : la plus éminente des Muses, protectrice de la poésie épique et parfois de l'éloquence [Kalliopê "Femme à la belle voix" ]. Selon la légende, elle est mère de Linos et d'Orphée.

Clio : patronne de l'Histoire (elle est représentée avec un rouleau de papyrus à la main )

Erato : elle préside à la poésie érotique et aux noces

Euterpe : elle présidait aux fêtes. On lui attribuait la flûte et l'invention du dithyrambe.

Melpomène : dont le nom dérive du verbe "melpô" = chanter. Primitivement, elle présidait au chant et à l'harmonie, puis elle fut associée à Dionysos et devint patronne de la tragédie. Unie à Achéloos, elle donne naissance aux Sirènes.

Polymnie (Polhymnie) : ses attributions varient selon les auteurs. Elle préside à l'hymne, à la pantomime ou à la poésie lyrique, mais on lui attribue aussi l'invention de l'harmonie, de l'orchestique et parfois de la géométrie.

Terpsichore : considérée parfois comme la mère des sirènes qu'elle a d'Achéloos (cf. Melponème). On lui attribuait la danse et , dans la tradition tardive, les chœurs dramatiques et la poésie lyrique.

Thalie : elle préside à la comédie et à la poésie légère et elle est représentée sous le masque grimaçant de la comédie.

Uranie (Ourania, « la Céleste », de Ouranos, « le ciel ») : assistée par les Ouranies (les nymphes célestes), elle présidait à l'astronomie et à l'astrologie (deux disciplines indissociables chez les Grecs). Mère de Linos conçu avec Apollon (ou Amphimaros), elle est représentée vêtue d'une robe de couleur azur, couronnée d'étoiles, et soutenant des deux mains un globe qu'elle semble mesurer, ou bien ayant près d'elle un globe posé sur un trépied, et plusieurs instruments de mathématiques.

Selon Catulle, Bachus la rendit mère d'Hymen.


Marc Chagall, Plafond de l'Opéra de Paris



tempoemythe.blogspot.com





Entraînement aux EAF (l'écrit)


Objet d’étude : LA POESIE - Les fonctions du poète et de la poésie


5 poèmes à formes fixes :



Texte 1 :Joachim du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse », Les Regrets, 1558


Texte 2 : Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose », Quatre Premiers Livres des odes, 1550


Texte 3 : Victor Hugo, « Demain dès l’aube » (3 septembre 1847), Les Contemplations, 1856.


Texte 4 : Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal », 1857.


Texte 5 : Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val » (octobre), Poésies, 1870.

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Texte 1 :

Joachim du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse », Les Regrets, 1558


Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d’usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !


Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison,

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m’est une province et beaucoup davantage ?


Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,

Que des palais romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine ;


Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l’air marin la douceur angevine.



Texte 2 :

Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose »,

Quatre Premiers Livres des odes, 1550


Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,

A point perdu cette vesprée

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au vôtre pareil.


Las ! voyez comme en peu d'espace,

Mignonne, elle a dessus la place,

Las ! las ! ses beautés laissé choir !

O vraiment marâtre Nature

Puisqu'une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir !


Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que votre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez votre jeunesse :

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté.


Texte 3 :

Victor Hugo, « Demain dès l’aube » (3 septembre 1847), Les Contemplations, 1856.


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.


Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.


Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Texte 4 : Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal , 1857.


Souvent pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.


A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !


Le poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


Texte 5 :

Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies, octobre 1870.


C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.


Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.


Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.


Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


ECRITURE


I. Vous répondrez d’abord à la question suivante (6 points) :


Comparez les situations d’énonciation de ces cinq poèmes et analysez les procédés d’écriture pour observer comment chacun exprime une des fonctions de la poésie et du poète.

Vous répondrez brièvement à cette question après avoir présenté l’ensemble des poèmes de ce groupement et annoncé le thème qui les unit.

Vous penserez à proposer une conclusion.

La réponse ne doit pas excéder une page (une page et demie, selon la calligraphie) : cet exercice doit mettre en œuvre des qualités d’analyse et de synthèse.

Le temps consacré à cette réponse qui prépare à l’exercice d’écriture : une heure (au plus).


II. Vous traiterez ensuite un de ces deux sujets au choix (14 points) :

1 – Commentaire :

Vous commenterez le poème de votre choix.


2 – Dissertation :

En vous appuyant sur les poèmes du corpus et sur des poèmes que vous avez lus ou étudiés, vous direz ce que représente pour vous la poésie.


3 – Invention :


Vous rédigerez la préface d’une anthologie poétique en justifiant le choix des poèmes qui y figurent et le classement proposé.

Cet exercice est l’occasion pour vous de définir votre conception de la poésie et les fonctions de la poésie et du poète : il allie les qualités argumentatives de la dissertation et la mise en scène d’écriture du devoir d’invention.


"En toute chose il faut considérer la fin", La Fontaine



un ligne prochainement sur www.tempoedialectique.blogspot.com : une dramaturgie de l'explication de texte