Entraînement aux EAF (l'écrit)


Objet d’étude : LA POESIE - Les fonctions du poète et de la poésie


5 poèmes à formes fixes :



Texte 1 :Joachim du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse », Les Regrets, 1558


Texte 2 : Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose », Quatre Premiers Livres des odes, 1550


Texte 3 : Victor Hugo, « Demain dès l’aube » (3 septembre 1847), Les Contemplations, 1856.


Texte 4 : Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal », 1857.


Texte 5 : Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val » (octobre), Poésies, 1870.

*****


Texte 1 :

Joachim du Bellay, « Heureux qui comme Ulysse », Les Regrets, 1558


Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,

Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,

Et puis est retourné, plein d’usage et raison,

Vivre entre ses parents le reste de son âge !


Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village

Fumer la cheminée, et en quelle saison,

Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,

Qui m’est une province et beaucoup davantage ?


Plus me plaît le séjour qu’ont bâti mes aïeux,

Que des palais romains le front audacieux,

Plus que le marbre dur me plaît l’ardoise fine ;


Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,

Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,

Et plus que l’air marin la douceur angevine.



Texte 2 :

Pierre de Ronsard, « Mignonne, allons voir si la rose »,

Quatre Premiers Livres des odes, 1550


Mignonne, allons voir si la rose

Qui ce matin avait déclose

Sa robe de pourpre au soleil,

A point perdu cette vesprée

Les plis de sa robe pourprée,

Et son teint au vôtre pareil.


Las ! voyez comme en peu d'espace,

Mignonne, elle a dessus la place,

Las ! las ! ses beautés laissé choir !

O vraiment marâtre Nature

Puisqu'une telle fleur ne dure

Que du matin jusques au soir !


Donc, si vous me croyez, mignonne,

Tandis que votre âge fleuronne

En sa plus verte nouveauté,

Cueillez, cueillez votre jeunesse :

Comme à cette fleur la vieillesse

Fera ternir votre beauté.


Texte 3 :

Victor Hugo, « Demain dès l’aube » (3 septembre 1847), Les Contemplations, 1856.


Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.

J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.


Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.


Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.


Texte 4 : Charles Baudelaire, « L’Albatros », Les Fleurs du mal , 1857.


Souvent pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.


A peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid !

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait !


Le poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer ;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


Texte 5 :

Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val », Poésies, octobre 1870.


C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.


Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.


Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.


Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.


ECRITURE


I. Vous répondrez d’abord à la question suivante (6 points) :


Comparez les situations d’énonciation de ces cinq poèmes et analysez les procédés d’écriture pour observer comment chacun exprime une des fonctions de la poésie et du poète.

Vous répondrez brièvement à cette question après avoir présenté l’ensemble des poèmes de ce groupement et annoncé le thème qui les unit.

Vous penserez à proposer une conclusion.

La réponse ne doit pas excéder une page (une page et demie, selon la calligraphie) : cet exercice doit mettre en œuvre des qualités d’analyse et de synthèse.

Le temps consacré à cette réponse qui prépare à l’exercice d’écriture : une heure (au plus).


II. Vous traiterez ensuite un de ces deux sujets au choix (14 points) :

1 – Commentaire :

Vous commenterez le poème de votre choix.


2 – Dissertation :

En vous appuyant sur les poèmes du corpus et sur des poèmes que vous avez lus ou étudiés, vous direz ce que représente pour vous la poésie.


3 – Invention :


Vous rédigerez la préface d’une anthologie poétique en justifiant le choix des poèmes qui y figurent et le classement proposé.

Cet exercice est l’occasion pour vous de définir votre conception de la poésie et les fonctions de la poésie et du poète : il allie les qualités argumentatives de la dissertation et la mise en scène d’écriture du devoir d’invention.


"En toute chose il faut considérer la fin", La Fontaine



un ligne prochainement sur www.tempoedialectique.blogspot.com : une dramaturgie de l'explication de texte