Le sonnet : "une machine à penser" ou "un petit tableau" ?






"Le Dormeur du val", Rimbaud


POESIE ET DECHIFFREMENT DU MONDE : lire Rimbaud et le Symbolisme, p. 351 (2de)


"Nature, berce le chaudement, il a froid"


POESIE ET ENGAGEMENT

Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val »

Poésies, octobre 1870.


C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.


Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.


Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.


Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.



"Le sujet moderne ne peut plus se dire que dans la fracture et l'effacement et non plus dans l'effusion ou l'épanchement".

Commentez et illustrez, et éventuellement discutez cette affirmation d'un critique contemporain

POESIE et DE-CONSTRUCTION : de Rimbaud au Surréalisme...

à suivre...


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"I rouge, U vert"

"Voyelles", Rimbaud


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Rappel : la diaphore (ou antanaclase) est la répétition d'un mot dans un sens différent

("trou de verdure", "deux trous rouges")



La conglobation invite à une double lecture de ce poème

Le jeu avec le lecteur est provoqué par des effets de rupture qui appellent une deuxième lecture : cette stratégie du détour est favorisée par la double thématique caractéristique du sonnet.

La « conglobation » ingénieuse de cette forme fixe ( « inventio » et « dispositio »), avec ces effets de rupture et de continuité (convergence des effets) représente une manière de convoquer l’attention sur un sujets plus grave qu’il aurait semblé au premier abord.


"Les mots s'allument de reflets réciproques", Mallarmé


"L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible", Paul Klee


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POESIE et ENGAGEMENT : ART et REVOLTE


I. Un tableau bucolique (un écrin de verdure) :


II. La mort d'un "enfant soldat" (un tombeau) : hommage ou révolte ?



"Un soldat jeune" : oxymore ?


Rimbaud transfigure un petit val débordant de vitalité pour rendre plus intolérable encore la présence insolite et macabre de cet enfant soldat abandonné par les hommes à qui seule la « Nature » offre un tombeau : son sonnet contaminé progressivement par la mort se révèle un chant de révolte sous forme de litote contre la folie meurtrière des hommes incapables de préserver la vie de leurs enfants.


Rimbaud semble peindre un paysage idyllique qui se révèle en fait un « tombeau » érigé en hommage à une jeune victime de la guerre franco-prussienne de 1870.

La « Nature » mise en scène comme dans « Mignonne, allons voir si la rose » et « Demain dès l’aube » de Victor Hugo pourrait paraître au lecteur un lieu idéal pour un rendez-vous galant. Mais l’enchantement de ce « petit val qui mousse de rayons » est étrange : le « trou de verdure » devient de plus en plus suspect avec la présence insolite de cet enfant-soldat qui dort la tête dans l’eau : « la nuque baignant dans le frais cresson bleu ». Le texte est de plus en plus contaminé par des effets destinés à inquiéter le lecteur (enjambements, répétitions : « dort », 3 x ) qui découvre que le seul élément de vie dans ce « tombeau » est la « Nature » personnifiée, une nature en fête trop exubérante, trop enchantée pour que le contraste avec l’inertie du soldat ne devienne pas intolérable, de même que la mise en scène allégorique qui amène la voix narrative à apostropher la mère « Nature » au discours direct pour lui demander de servir de mère à cet enfant sacrifié à la folie meurtrière de ses semblables : « Nature, berce le chaudement : il a froid ». Elle est seule à servir de « lit » au jeune homme ainsi que le révèle l’acrostiche du dernier tercet. La diaphore finale qui reprend et détourne la périphrase initiale sonne comme deux coups de feu dans ce sonnet où les euphémismes (« il dort », « Tranquille ») se révèlent litotes avec le gros plan final sur les blessures du soldat amplifié par l’allitération en « r » : « Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit. » Les indices macabres disséminés au fil de ce poème dramatique appellent une double lecture.


* la diaphore (ou antanaclase) est la répétition d'un mot dans un sens différent ("trou de verdure", "deux trous rouges") : "Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît pas", Pascal, Les Pensées



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POESIE ET ENGAGEMENT : hommage et/ou révolte ?


Le sonnet de Rimbaud, « un tableau » et « une machine à penser"


EUPHEMISME ou LITOTE ?


LIT de VERDURE ou TOMBEAU ?


Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val »

Poésies, octobre 1870.


C’est un trou de verdure où chante une rivière

Accrochant follement aux herbes des haillons

D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,

Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.


Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,

Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,

Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,

Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.


Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme

Sourirait un enfant malade, il fait un somme :

Nature, berce-le chaudement : il a froid.


Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;

Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine

Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.




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Le sonnet : un poème à forme fixe, mesure du temps ?




Le sonnet, "une machine à penser" de Ronsard et Du Bellay... à Rimbaud et à Alain Bosquet :



"Sonnets pour une fin de siècle"


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"Trouver le lieu et la formule", Rimbaud

de l'imitation des "Anciens" à l'innovation des "Modernes"

"il faut être absolument moderne", Rimbaud

parce que...

"Le temps lui-même est une forme", Roland Barthes





ENQUETE : les fonctions du poète et de la poésie

www.tempoedialectique.blogspot.com




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Le sonnet est « une machine à penser »


et le recueil de sonnets, pour Du Bellay, un « petit tableau »

(rivalisant avec notamment l’architecture).



LE SONNET : forme fixe précise et rigoureuse qui a survécu à toutes les vicissitudes de l’histoire littéraire.

Pétrarque l’a rendu populaire au XIVème siècle en Italie (1304-1374) : les Rimes, sonnets « laurentins » glorifient la beauté physique et spirituelle de Laure, évoquée au sein d’une nature harmonieuse.

Forme dense, rigoureuse, la mieux adaptée pour exprimer les sentiments amoureux (force, extension).

Au début du XVIème siècle, il s’exporte en Europe.

En France, les Rimes l’école de La Pléiade va véritablement reprendre le sonnet, lui donner ses lettres de noblesse et l’exploiter de manière systématique.

En 1549, La Défense et Illustration de la langue française de Du Bellay préconise le sonnet et le recommande aux jeunes poètes.

Du Bellay va imposer l’alexandrin dans Les Antiquités de Rome : l’alternance de décasyllabes et d’alexandrins est une tentative de concentration des modes d’expression (ou styles oratoires). En obligeant le recueil à prendre du sens par cette alternance, il lui donne une unité qui l’impose ainsi comme un ensemble poétique, un objet unique immédiatement accessible à l’œil ou à l’oreille. Car, du propre aveu de Du Bellay, le recueil devient un « petit tableau » rivalisant avec notamment l’architecture.


LA DOUBLE THEMATIQUE DU SONNET : cf. fiche p. 372


TERCETS :

1. De type élisabéthain : tercets/ rimes croisées- 2 dernières rimes suivies

2. tradition française : 2 rimes suivies – 2 dernières rimes croisées



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« La poésie n’est pas un ornement, elle est un instrument »

Commentez et illustrez cette affirmation 0de Victor Hugo à l'aide d'exemples précis.

Victor Hugo (cf. l’esthétique moderne de la préface de Cromwell ; « Réponse à un acte d’accusation », EAF 2005)