"Petit Poucet rêveur... un pied près de mon coeur"

"A la musique", Arthur Rimbaud, Cahiers de Douai (1870)


Sur la place taillée en mesquines pelouses,

Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,

Tous les bourgeois poussifs qu'étranglent les chaleurs

Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.


-- L'orchestre militaire, au milieu du jardin,

Balance ses chakos dans la Valse des fifres :

-- Autour, aux premiers rangs, parade le gandin;

Le notaire pend à des breloques à chiffres.


Des rentiers à lorgnons soulignent tous les couacs :

Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames

Auprès desquelles vont, officieux cornacs,

Celles dont les volants ont des airs de réclames;


Sur les bancs verts, des clubs d'épiciers retraités

Qui tisonnent le sable avec leur canne à pomme,

Fort sérieusement discutent les traités,

Puis prisent en argent, et reprennent : "En somme!..."