Poésie et voyage


LE LYRISME ROMANTIQUE de CHATEAUBRIAND: vous raconterez, à la manière de Chateaubriand, un de vos voyages (réels ou imaginaires)

Il serait trop long de raconter les beaux voyages que je faisais avec ma fleur d'amour : comment main en main nous visitions les ruines célèbres, Venise, Rome, Athènes, Jérusalem, Memphis, Carthage ; comment nous franchissions les mers ; comment nous demandions le bonheur aux palmiers d'Otahiti, aux bosquets embaumés d'Amboine et de Tiddor ; comment, au sommet de l'Himalaya nous allions réveiller l'aurore ; comment nous descendions les fleuves saints dont les vagues épandues entourent les pagodes aux boules d'or ; comment nous dormions aux rives du Gange, tandis que le bengali, perché sur le mât d'une nacelle de bambou, chantait sa barcarolle indienne.

Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, I, 3, 12, 1850 (posthumes)


Comment la composition de cette phrase traduit-elle la rêverie ?

Analysez le rythme de la phrase : en quoi contribue-t-elle au registre du texte ?


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Poésie et voyage : de L'Odyssée au Tour du monde en quatre-vingts jours

5ème 1 - Le récit de voyage – Regards vers des mondes nouveaux

Séquence 9 – Explorer l'art des récits de voyage.

LA DESCRIPTION – l'expansion du groupe nominal


Le voyage à l'intérieur d'un livre : « Magie de la lecture », Jules Vallès, extrait de Jacques Vingtras


Il est nuit. Je m’en aperçois tout d’un coup. Combien y a-t-il de temps que je suis dans ce livre ? Quelle heure est-il ? Je ne sais pas, mais voyons si je puis lire encore ! Je frotte mes yeux, je tends mon regard, les lettres s’effacent, les lignes se mêlent, je saisis encore le coin d’un mot, puis plus rien.

J’ai le cou brisé, la nuque qui me fait mal, la poitrine creuse ; je suis resté penché sur les chapitres sans lever la tête, sans entendre rien, dévoré par la curiosité, collé aux flancs de Robinson, pris d’une émotion immense, remué jusqu’au fond de la cervelle et jusqu’au fond du cœur ; et en ce moment où la lune montre là-bas un bout de corne, je fais passer dans le ciel tous les oiseaux de l’île, et je vois se profiler la tête longue d’un peuplier comme le mât du navire de Crusoé ! Je peuple l’espace vide de mes pensées, tout comme il peuplait l’horizon de ses craintes ; debout contre cette fenêtre, je rêve à l’éternelle solitude et je me demande où je ferai pousser du pain…

La faim me vient : j’ai très faim. Vais-je être réduit à manger ces rats que j’entends dans la cale de l’étude ?

Expression écrite : description des sensations du lecteur et du passage d'un univers à un autre, de la rencontre entre les deux (avec, par exemple, la paronomase : "la cale de l'étude"), puis de l'identification progressive du narrateur à l'univers de son livre (par exemple, le futur indique que le narrateur est sur l'île de Robinson : "je me demande où je ferai pousser du pain").

Le registre fantastique :

"Dans un monde qui est bien le nôtre, celui que nous connaissons, sans diables, sylphides, ni vampires, se produit un événement qui ne peut s'expliquer par les lois de ce même monde familier. […] Le fantastique occupe le temps de cette incertitude ; dès qu'on choisit l'une ou l'autre réponse, on quitte le fantastique pour entrer dans un genre voisin, l'étrange ou le merveilleux. Le fantastique, c'est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel." Tzetan Todorov, Introduction à la littérature fantastique.

Bibliographie : le voyage ("odyssée")

Le Livre des merveilles, Marco Polo (extraits : corpus de textes pp. 196-205)

Vendredi ou la vie sauvage, Michel Tournier (lecture intégrale : l'incipit – la fiche de lecture)

Le Tour du monde en 80 jours, Jules Verne (lecture intégrale)


Marco Polo et Christophe Colomb :

Près de trois siècles s'écoulent entre le voyage de Marco Polo en Orient (XIIIème siècle) et ceux de Christophe Colomb (1492) et des conquérants des XVème et XVIème siècles vers le Nouveau Monde.

En trois siècles, les perspectives, et surtout les conditions de ces voyages, n'ont rien à voir : Marco Polo est un marchand, qui voyage à titre privé pour ses affaires, puis qui devient l'ambassadeur de l'empereur de Chine. Son regard est empreint de curiosité, mêlée alternativement de naïveté, de doutes, d'admiration ; pas de trace pour le mépris, la peur dans tout ce qu'il relate. Rien de tel pour Christophe Colomb et ses successeurs : leurs voyages visent à conquérit des terres au nom des rois qui les missionnent, à rapporter de l'or et à christianiser les peuples conquis.Certes, leurs écrits font état de leur surprise devant ce qu'ils voient mais ils témoignent surtout de leur sentiment de supériorité face aux peuplades qu'ils rencontrent.


Deux situations de communication, deux visées narratives différentes :

Marco Polo écrit après son retour pour témoigner.

Christophe Comb et Cortès écrivent au fil des jours, pour rendre des comptes à leurs souverains, pour justifier leurs actes.

J. de Léry (XVIème siècle) assure une sorte de transition avec la pensée éclairée du XVIIème siècle; c'est un humaniste de la Renaissance et sa situation de protestant persécuté lui donne un sens de la tolérance, du respect de l'autre dans sa différence. Comme son récit a été écrit plusieurs années après son retour, il lui est plus aisé de faire preuve de distanciation critique.


Eden ou Eldorado ?

Marco Polo, comme les hommes de son temps, croyait à l'Eden perdu, situé en Orient selon la lettre du prêtre Jean, apocryphe qui a eu un énorme retentissement au Moyen Age. D'ailleurs, dans don récit, il ne remet pas en question ce royaume. Christophe Colomb a cru repartir sur les traces de Marco Polo et a cherché en vain à reconnaître ce que son illustre prédecesseur avait écrit. Le mythe de l'Eldorado a ensuite porté des générations de conquistadors, persuadés de trouver l'or mythique.


Bilan : la différence (la diversité, la différence des points de vie); L'Eden ou l'Eldorado (le mythe du paradis perdu).


Prolongements : L'Odyssée, Homère (6ème)

La Bible

L'Eldorado, Candide, Voltaire (XVIIIème siècle)

"Comment peut-on être Persan ?", Montesquieu, Lettres persanes

Comment Wang-Fô fut sauvé, Marguerite Yourcenar, Nouvelles orientales