Portrait et autoportraits de poètes :

“One of the greatest tragedies of my life is the death of Lucien de Rubempre. It is a grief from which I have never been able completely to rid myself. It haunts me in my moments of pleasure. I remember it when I laugh.”, said Oscar Wilde. Why ?

Who is Lucien de Rubempré ?


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« Défense du poète »


Ecrire un poème, est-ce une trahison,

comme devant la mise à mort d’un innocent

on détourne les yeux ? Aligner quelques mots

qui lâchent le réel pour un gramme d’azur,


est-ce dresser un paravent contre le monde

affolé dans son bain, parmi l’écume noire ?

Traiter sa fable favorite en libellule

par-dessus la rivière, est-ce oublier le pain


qui manque à l’homme ? Remplacer le vrai printemps

par un printemps verbal aux toucans invisibles

qui sont peut-être un peu de feu, est-ce insulter


notre nature ? Aimer une voyelle blanche

comme on aime sa fille, est-ce être dédaigneux

de notre amour universel, qui nous saccage ?


Alain Bosquet, Sonnets pour une fin de siècle (1980)


Question : pourquoi le poète a-t-il besoin de se défendre ? de quoi ? contre qui ? contre quoi ?

Est-il accusé ? de quoi ? et pourquoi ? Quels sont les chefs d'accusation ?

Les fonctions du poète et de la poésie entre tradition et modernité : poésie et déchiffrement du monde, suivant une esthétique de l'harmonie "classique" ou de la dé-construction moderne.


Les manifestes poétiques : du manifeste du Classicisme de Boileau dans son Art poétique en 1674 * à la "Défense du poète" d'Alain Bosquet en 1980.

Nicolas Boileau, "Art poétique" (1674)
Victor Hugo, "Réponse à un acte d'accusation" (1856)
Rimbaud, "Lettre du voyant" (1871)


* cf. polycopié EAF 2005



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L'art ne reproduit pas le visible, il rend visible", Paul Klee

Francis Ponge, "Le pain"


La surface du pain est merveilleuse d'abord à cause de cette impression quasi panoramique qu'elle donne : comme si l'on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes. Ainsi donc une masse amorphe en train d'éructer fut glissée pour nous dans le four stellaire, où durcissant elle s'est façonnée en vallées, crêtes, ondulations, crevasses… Et tous ces plans dès lors si nettement articulés, ces dalles minces où la lumière avec application couche ses feux, - sans un regard pour la mollesse ignoble sous-jacente. Ce lâche et froid sous-sol que l'on nomme la mie a son tissu pareil à celui des éponges : feuilles ou fleurs y sont comme des sœurs siamoises soudées par tous les coudes à la fois. Lorsque le pain rassit ces fleurs fanent et se rétrécissent : elles se détachent alors les unes des autres, et la masse en devient friable… Mais brisons-la : car le pain doit être dans notre bouche moins objet de respect que de consommation.

Francis Ponge, Le Parti-pris des choses, 1942






"Tout est signe, et tout signe est message", Marcel Proust



à suivre ...